Peste

Peste

AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 16 avril 2021 (suite de la chronique sur le confinement, tome 3)

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Ils traitaient la prudence de poltronnerie et se moquaient de ceux qui redoutaient la maladie. Dans une maison gisaient huit personnes mortes depuis peu. Ils renversèrent le lit et se couvrirent de la plume qu’ils en tirèrent pour parcourir la ville et narguer les habitants. Deux heures plus tard une fièvre chaude s’emparaient d’eux, et un moment après ils expiraient. Un tiers de la population allait être décimé.

Par un effet d’aphérèse l’ancien mot français tempeste serait devenu peste. Saint-Roch que l’on fête le 16 août est le patron des professions médicales et le guérisseur des pestiférés. Maria Leszczynska la princesse de Wissembourg qui épousa Louis XV, fort dévote, désirait une relique de Saint-Roch. L’archevêque d’Arles fit transporter avec beaucoup de solennité un os, probablement, du saint jusqu’à la chapelle du Grand-Commun à Versailles où la Reine fit chanter un Te Deum pour se protéger de toutes les pandémies.

En temps de peste les citoyens deviennent étrangers les uns aux autres et les magistrats communaux donnent l’exemple de la désertion. La panique est si générale qu’on voit des morts causées par la seule peur de la maladie. Le frère et la sœur se fuient comme deux ennemis irréconciliables. Les mères abandonnent leurs enfants. Plus funeste et hideux que les monceaux de cadavres entassés, la défiance réciproque et la monstruosité des soupçons. L’air retentit de hurlements affreux. Des hommes forts comme des taureaux tombent morts en mettant le pied dans la rue. On se jette dans les puits, dans le feu, dans les rivières, on se heurte la tête contre les murailles jusqu’à en faire sortir la cervelle. Une jeune femme ayant perdu son mari et deux de ses enfants se cousit elle-même dans son linceul. Pour s’assurer une sépulture chrétienne dès que l’on se sentait atteint du mal contagieux, on allait une croix de bois blanc entre les mains, se coucher dans une des nombreuses fosses creusées à l’avance dans le cimetière du village. Une jeune fille de 20 ans, après trois jours sans mouvement sur un monceau de morts, ressentit la douleur causée par l’éruption d’un bubon et rentra chez elle. Les fripiers, les priseurs, les couturiers et les revendeurs ne purent continuer leur métier, la peste pouvant être retenue dans leurs tissus. Les soldats protégeaient parfois les apothicaires, un équipage spécial armé de carabines, on les nomma les Carabins, sobriquet que les étudiants en médecine ont gardé.

À consulter les douze volumes des Fléaux de l’humanité que le docteur Cabanes a publié en 1908 après avoir exploré Les Mœurs intimes du Passé, on imagine les chroniques qui relateront dans quelques siècles le fléau du coronavirus. Les chirurgiens et les barbiers seront tenus de ne pas jeter le sang des saignées et les cadavres dans les rivières. Défense à tous de verser les urines par les fenêtres, les propriétaires des maisons étant tenus de creuser des latrines. Il sera expressément interdit d’étaler des draps aux fenêtres donnant sur la rue. Les légumes non cuits seront déclarés dangereux et l’on portera des bâillons d’herbes aromatiques et des masques arrosés de vinaigre et de parfums. 

Autre ouvrage d’un médecin de la faculté de Paris en 1722 : « par une discipline intelligente, mais pas toujours consentie, les hommes parvinrent à vaincre un mal dont ils ignoraient tout ou presque ».

2021-04-16 19h13 ap

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