Ambroise Perrin, jeudi 12 novembre 2020
Il est 18 heures passés quand on sonne à la porte en plein « Castex». « Oui je sais me dit la voisine, mais cela ne m’intéresse plus ». Je jette un œil par la fenêtre, il y a du monde dehors. Je laisse la radio allumée. « Mais il faudra bien savoir quels sont les nouvelles mesures ? On s’en fout, on connaît la réponse c’est toujours ça dépend… en tout cas il ne faut pas oublier l’attestation ils font des contrôles en ville ! La CTS fait la police, bientôt c’est les gendarmes qui vont conduire le tram. On n’est plus que des pions ». Même à l’intérieur de l’appartement on a l’impression d’être dehors et ce n’est pas seulement le télétravail qui a supprimé la notion de havre protecteur du domaine privé. Il y a cette ambiance de contrôle diffus et de pagaille incontrôlée, et des petites phrases qui ne sont pas anodines, comme « le masque même chez-soi ».
Le premier ministre a commencé par présenter ses condoléances, puis c’est une litanie de chiffres sur un ton très assuré, professoral. Il serait irresponsable… On attend 18 minutes pour entendre l’attendu 15 jours de plus. Puis les ministres défilent en se défilant, comme à la fête de fin d’année au lycée pendant la distribution des prix. Dans l’ordre la santé, l’éducation, l’emploi, l’économie. Rien pour la culture même pas un accessit. On s’en fout. Et puis encore ce pitoyable et maladroit aveu: l’ennemi ce n’est pas l’Etat c’est le virus.
Elles n’ont même plus la niaque pour l’ouvrir, ni la démangeaison de la ramener, ni l’espoir de la solidarité applaudissante du mois de mars : les infirmières–renfort-réanimatrices du Covid à qui on avait promis une prime de 1500 euros et qui ne l’ont pas perçue se sont trouvé un nom, les dé-primes : «on s’en fout du fric mais pas du manque de reconnaissance… l’impression d’être des Kleenex ». La déprime. Elles ne rempileront peut-être pas malgré la violence de la deuxième vague. « C’est pas vrai mais on va dire qu’on s’en fout ».
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