Ambroise Perrin, dimanche 1ernovembre 2020
Si la rue Geiler était un décor et le reconfinement un genre cinématographique, serait-ce un film d’horreur, une tragédie musicale, une comédie ou un mélodrame ? C’est l’automne, dans le désarroi des lumières et des ombres et la vivacité des illusions et des verdures, moteur, place Golbéry. Le noir du deuil et le carmin des feuilles jonchent les pavés et s’apparient comme les moineaux tranquilles dès l’heure du couvre-feu, (quand on est sereinement confiné chez soi, plus la peine d’apparier ses chaussettes). Un clair-obscur qui sied à la profondeur des contrastes de l’actualité du virus. Aujourd’hui elle envahit les librairies indépendantes qui rappellent en pétitionnant qu’un livre est un produit de première nécessité. Tout drogué de littérature en crise de manque n’a-t-il pas chez lui cinq, vingt, cent bouquins pas encore lus, et quelques œuvres complètes jamais ouvertes ? Mais il s’agit d’un noble et légitime combat contre la concurrence commerciale amazonienne et supermarchéenne. C’est chaud, 232,8° Celsius (= Fahrenheit 451), cette affiche « livres interdits » entre les conserves et le PQ. Le PM squatte le 20h d’une chaîne commerciale pour faire un solo théâtral à la gravité emphatique, un acteur à Avignon tentant de couvrir l’éclat du vent dans la Cour d’honneur du pape. Ça crie mais on n’entend rien.
L’isolement et la solitude ont un remède, la télévision, « tout ce que vous avez à faire c’est de tourner le bouton et vous aurez la compagnie que vous pouvez désirer, là sur l’écran, le drame, la comédie, la parade de la vie sont à la pointe de vos doigts ». Les héros du film de la rue Geiler sont des citoyens fougueux qui se soumettent par leur volonté même d’être de bons citoyens. On peut s’évader du présent en nourrissant un imaginaire qui refoule toutes contestations. A Hollywood des réalisateurs pensaient que ce monde de la demi-conscience était d’essence féminine. Covid, la star de notre film est un mot féminin mais que beaucoup utilisent au masculin. A Paris (nouvelle vague) des réalisateurs pensaient que l’idée d’un film devait être cachée. Dans les solitudes du confinement l’idée du ‘vivre ensemble’ structure le scénario du film de notre rue. Nous nous camouflons, mais cela ne se voit pas, c’est hors cadre. Aimons l’amour éternel des mélodrames qui se terminent en disant « vous n’êtes pas seuls ».
La perversité des rituels engendre une société tyrannique, hégémonique, impérieuse, qui ne fonctionne que par injonction ou prescription. La douleur de l’artifice est une appréhension dangereuse, et l’arrogance versatile d’ordres si désordonnés nous ramène à cet effarant saisissement, le nouveau confinement enferme moins nos peurs que celui d’avant. On verra si c’est tout ce que le ciel permet.
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oui, avec plaisir ! Douglas Sirk, tout ce qu’il permet, et aussi Georges Cukor, l’essence féminine et Robert Bresson l’idée cachée
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