Traces

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AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 18 avril 2021 (suite de la chronique sur le confinement, tome 3)

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Nous sommes aujourd’hui le vendredi 17 décembre 2128, et ce monsieur quoiqu’alerte un petit peu labile s’enfonce dans un doux fauteuil en krypton et fouille dans sa mémoire dont il vient de renouveler la carte d’élixir de perpétuité. Il est né le 17 décembre 2020, et donc a été conçu le 17 mars, premier jour du Premier Confinement Mondial, bien après la Première Guerre Mondiale. A 108 ans il est depuis 20 ans à la retraite, et son ourdisse-125 lui laisse encore quelques 17 années de présence terrestre avant de perdre ses droits à l’assistance et de devoir s’abandonner à la nature.

Il a donc survécu au Covid coronavirus, une variante de la grippe ibérique et de la peste black qui avaient éliminé le tiers des populations mondiales par manque de vaccins, les clonages moléculaires instantanés n’ayant pas encore été mis au point. Il y a eu en un siècle tellement de cataclysmes, quels souvenirs remontent jusqu’à son enfance ? Quelles traces garde-t-il des années 2020 – 2030 ? 

Oui, 108 ans plus tard… Aujourd’hui le 18 avril 2021 cherchons ce qui marquera la mémoire collective ; depuis le premier jour où la Terre cessa de tourner et où chacun avait pour ordonnance de ne plus bouger, en mars 2020 donc, les enchainements se sont effacés les uns après les autres, et déjà en une année on oublie, on s’habitue, on continue, résigné à son destin comme baigné dans un éternel Fado. 

La mémoire de 2128 respectera-t-elle la mélancolique fortune du conformisme qui ânonne que tout était mieux avant ? Et nous, quelles impressions avons-nous de 1913 ? Il y a 108 ans les Alsaciens étaient des Wackes, humiliés à Saverne par un jeune prussien arrogant. Proust publiait Du côté de chez Swann à compte d’auteur, Chaplin tournait sa première bobine, Nijinski sacrait le Printemps de Stravinski, Roland Garros traversait en aéroplane la Méditerranée, le canal de Panama était percé, le tango remplaçait le triple boston qui avait fait oublier la valse, 11 millions de pauvres en Europe émigraient, les actions du caoutchouc reconstitué grimpaient, le ministre Albert Lebrun passait des Colonies à la Guerre, Mayol chantaient Le long du Missouri, la thyroïdine Bouty étaient reconnue par l’Académie de Médecine, le lait antéphélique dépuratif Candès assurait la pureté du teint et le sirop Frany guérissait l’asthme et la tuberculose, les dames sujettes à la constipation et l’obésité prenait du Lin-Tarin, la lotion Midirette parfumée Lavandor luttait contre les pellicules, l’argenterie de famille s’achetait chez Girard et Boitte Maison-de-confiance et les trousseaux à la Cour Batave, les autochromes Lumière étaient en couleur et le Gaumont-Palace, 6000 fauteuils, était le plus grand cinéma du monde. Pour rêver à un autre monde, frivole, bigarré et indolent. 

2021-04-18 16h13 ap

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