la contrainte est un confortable cocon, une demi-heure pour acheter une baguette est devenu un plaisir. Le boulanger, les vendeurs sont devenus des amis. La tarte au fromage de la rue Geiler est la meilleure au monde. Il y a comme un enivrement aux rituels de docilité, peut-être parce que l’on sait qu’un jour cela s’arrêtera. les distances sociales, les gestes barrières… de petits croix dans la tête et un petit soldat dans les jambes, on se conforme entre voisins responsables aux nouvelles règles: le virus est invisible, notre soumission doit, elle, être flagranteon dit que les ventes par correspondance, à emporter, en ligne, par internet sont l’avenir confiné du consommateur frustré que nous sommes censés être devenus. Même les administrations aux normes incontournables réussissent en deux temps trois mouvements à modifier leurs règles aporétiques mais toutes les méfiances sont de mises, et la polémique sur la fourniture et la qualité des masques n’en finit pas. En provenance d’usines chinoises, d’ateliers de mode reconvertis au tissu filtrant ou encore de clubs de couturières bénévoles, sont-ils efficaces pour se protéger du virus ? munis de la fameuse attestation de déplacement dérogatoire, les automobilistes aux «tâches essentielles de la nation» traversent le temps, les routes et les règlements, des exploits parfois enregistrés par les forces de l’ordre: 232km/h sobrement relatés par les Dernières Nouvelles d’Alsace. Et le bolide confisqué.et ailleurs ça se passe comment ? solidaire l’Europe ? Aux USA, la presse nous raconte comment la démagogie l’emporte sur la responsabilité de faire face à la pandémie… on apprend tout cela goguenards et effarés alors dans notre bonne rue Geiler avec nos sympathiques voisins on se recroqueville dans nos petites connivences qui brillent au soleilet on lève les yeux vers tous ces balcons voisins et on se dit qu’il y a tellement de belles choses ici ou ailleurs que le virus ne peut nous entraîner dans les méandres de la désespérance; applaudissements à 20h toujours chaque soir pour les soignants, puis petits exposés littéraires ou artistiques aux thèmes confinés et insolitespar exemple l’évocation de Jean-Baptiste Corot, ce peintre qui refusait de rester confiné dans un atelier pour chercher «l’infaillible rigueur d’harmonie» de paysages idylliques… c’était au début du XIXème siècle
Avril file… mais le 11 mai nous met dans l’idée que l’on peut être rassuré. Quel est ce sentiment qui murmure que nous nous habituons à notre confinement ? Nous sommes enfermés chez nous, chacun dans une bulle. La vie du dehors s’insinue de plus en plus dans nos petites règles personnelles et confuses. Les informations nous parlent de chauffards stupides comme avant et d’Américains invraisemblablement hallucinants de bêtise. Du haut de nos balcons, nous scrutons les beautés de la vie culturelle: un livre n’est-il pas le lieu du confinement de l’Art avec la promesse d’éclater, les pages ouvertes, comme une orange trop mûre lancée sur un mur blanc ?
LE LIVRE
Le Chat du 28 prend le Soleil, Journal d’un Confiné 17 mars – 11 mai 2020
rue Geiler à Strasbourg – Ambroise Perrin – Plus de 500 apostilles et notules en 59 épisodes, 48 dessins de Liza Reichenbach, Cahier au jour le jour de 64 photos légendées,
192 pages, 20 x 25 cm, 15 euros, le livre sera disponible le 12 juin
Un commentaire sur “L’étourdissement si plaisant des paysages et du confinement, retour sur images d’un confiné (13)”
Ce dernier épisode est précieux car il comporte de nombreux ressentis par un strasbourgeois au cœur du confinement. Il les décrit très bien et ainsi le lecteur peut s’identifier à l’un ou l’autre qu’il a lui même vécu pendant cette terrible période.
Ce dernier épisode est précieux car il comporte de nombreux ressentis par un strasbourgeois au cœur du confinement. Il les décrit très bien et ainsi le lecteur peut s’identifier à l’un ou l’autre qu’il a lui même vécu pendant cette terrible période.
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