Ambroise Perrin
Nous baignions dans le cinéma et c’est aux Bains Municipaux, fermés, que nous avons plongé en créant nous-mêmes le Ciné-Club Le Cyclope. Cyclope comme l’œil du spectateur et l’objectif de la caméra. Et celui du projecteur, c’était un 16 millimètres pas très puissant prêté par Monsieur Taesch, le concierge du théâtre, qui était aussi le projectionniste du cinéma Moderne dans le théâtre.
Au Cyclope, Jean-Guy Morel s’occupait des aspect administratifs, obligation pour l’assurance. L’adresse de l’association était à la maison, au 1 rue des fourmis, et moi, j’avais réussi en candidat libre le CAP de Projectionniste en art cinématographique, les pompiers m’avaient fait passer l’épreuve pratique, en cas de film en feu et d’évacuation de la salle.
On aimait le cinéma. Je faisais les présentations des films à venir à l’Odéon, boulevard Hanauer, dans les DNA de Haguenau, j’étais le correspondant numéro 3338, à 8 centimes la ligne, monsieur Franck était le rédacteur en chef: « western avec du bruit, de la poussière et de la poudre ».
Au Cyclope, on ne passait que des films d’Art et Essai, il fallait monter à Strasbourg en stop, chercher les bobines à la CRCC à la Cité administrative ou à l’UFOLEIS, là où il y a les Aviateurs aujourd’hui. Godard, Renoir, Hitchcock, Glauber Rocha, Fellini, Kurosawa. C’étaient surtout les copains qui remplissaient la salle. Il fallait une carte de membre pour être en règle et on perdait de l’argent à chaque projection, parfois seulement 5 spectateurs. La mairie nous avait autorisé à nettoyer nous-mêmes pour économiser la femme de ménage. André Traband aimait les jeunes, il en avait sauvé pendant la guerre. Il venait d’être élu et avait voulu changer le nom des Bains Municipaux : Centre de Loisirs et d’Action Culturelle.
Où vont les jeunes ? Ils vont au clac. ça nous faisait rire.
Très intéressant de raconter ses premières expériences de cinéma. Chez Ambroise Perrin elles sont très amusantes. De mon côté la première qui m’a laissé un souvenir indélébile, me faisant entrer dans l’univers fascinant du cinéma est Le voleur de bicyclette de Vittorio de Sica projeté dans le cinéma du quartier. Il m’a plongé dans la stupeur et la tristesse. J’y pense encore aujourd’hui. Les sorties de cinéma je les dois au curé de mon église parisienne, le Bon pasteur. L’été suivant des randonneurs croisés dans les Alpes pendant les vacances ont cru, nous questionnant, qu’on venait du centre de redressement du même nom ! Ils nous trouvaient, nous le petit groupe de jeunes adolescentes, bien élevées et s’en étonnaient ! Association d’idées d’actualité : un film sur ces centres inhumains dont certains existaient encore au début des années 1970 sort en salle dans quelques jours. Irai-je ?
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dans les souvenirs de cinéma, on confond avec bonheur les scénarios de la vie et les péripéties sur l’écran… la vraie vie est ailleurs, et vivre dans sa fiction c’est s’inventer un passé plaisant …
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Vivre, oublier, se souvenir, raconter … devient le présent… forcément !
Dites-moi, qu’est-ce que la vraie vie ?
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