Listes
AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 20 avril 2021 (suite de la chronique sur le confinement, tome 3)
https://editionsbourgblanc.com/produit/le-chat-du-28-reve-dune-orgie-perpetuelle/
C’est sur le sable d’une belle plage, chez le bon Dieu au paradis, Christophe dessine un beau visage, puis il chante et il dit, j’ai crié Aline pour qu’elle revienne.
Je vais sur Wikipédia pour chercher la liste des personnalités mortes ‘de la Covid 19’. En tête d’un étonnant très très long tableau, décédé le 25 janvier 2020 à Wuhan en Chine, Liang Wudong le premier médecin emporté par la maladie. Ensuite dans la même ville une dizaine de professeurs et de spécialistes médicaux dont l’ophtalmologiste qui de suite avait donné l’alerte… Des dizaines de pages, d’abord des Iraniens, des Italiens, Espagnols, Américains, le premier Français répertorié est l’ancien maire et sénateur de Corse Nicolas Alfonsi. Puis Marguerite Derrida, Manu Dibango, la princesse Marie-Thérèse de Bourbon-Parme, Henri Tincq, Pape Diouf, François de Gaulle le neveu, Henri Weber, Claude Goasguen, Liliane Marchais, Bernard Stalter, Jean-Pierre Vincent, Nelly Kaplan, Michel Robin, Giscard répertorié Covid lui aussi, Kim Ki-duk, Kenzo, Robert Hossein, Hubert Auriol, Rémy Julienne, Larry King, Jean-Louis Servan-Schreiber, Fausto Gresini, quelques 500 noms ‘célèbres’…
Ils ne reviendront pas, Aline, Aline… morts du Covid. Ces morts gloires immortelles bénéficient parfois d’hommages ‘en ligne’, des offrandes virtuelles, des conférences et des ateliers, et même des capsules audiovisuelles culturelles, capsules comme pour voyager dans l’espace ou boucher une pétillante bouteille.
En Espagne El Païs mentionne les morts ordinaires du Covid par une courte notice biographique, déjà 28 400 noms, ‘la génération qui a grandi dans l’après-guerre, traversé la dictature et permis l’ascension sociale de ses enfants par sa lutte pour cimenter la démocratie’. Partout des célébrations collectives en présence de têtes couronnées et de chefs d’État : il faut des rituels pour passer le cap.
En France, on dédie le défilé du 14 juillet aux soignants mais pas de mise en scène codifiée risquant de déstabiliser l’ordre social que maintient le pouvoir en place. 100 000 morts Covid-19 en France, des associations demandent une journée d’hommage national. Apprivoiser la mort quand les cadavres sortent de l’hôpital dans une housse et direction le crématorium ? : ce mari voudrait ‘quand même voir sa femme’, impossible lui dit-on ; sac-poubelle de luxe pense-t-il.
Les morts célèbres ont une fin de notice Wikipédia mention ‘Covid’ ; quand on mourait du cancer autrefois on ne citait pas la maladie. Les morts ‘ordinaires’ ont été neutralisés, ils n’ont été ni identifiés ni pleurés collectivement, comme cela est organisé après un attentat ou une catastrophe ; ils ont été réduits à des décomptes destinés à faire peur et à rendre prudents ‘les survivants’ et à les forcer à respecter les consignes.
Le Monde interview une psychanalyste strasbourgeoise qui lance le ‘Covideuil’ pour étudier les changements de relations avec la mort. Et les effets de panique provoqués par le virus.
La mort est une menace, la mort est un échec, donc la mort est quelque chose que l’on cache. Alors les morts célèbres dont on parle nous désolent. Pas de chance spécule-t-on avec compassion.
2021-04-21 22h13 ap