Le bruit

Le bruit

AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 11 avril 2021 (suite de la chronique sur le confinement, tome 3)

https://editionsbourgblanc.com/produit/le-chat-du-28-veut-pas-mourir/

C’était il y a un an jour pour jour, Georges mourait. Vous vous mouchez dans votre coude nous répétait-il et quand il s’était senti un peu mal son docteur de famille l’avait envoyé faire des examens à l’hôpital, malaise, réanimation, une semaine de réa et terminé sans ainsi-soit-il. À l’époque les masques étaient inutiles puisque même la clown officielle ne savait pas comment les mettre et seuls les hospitaliers avaient de quoi se protéger. Atrabile et futile.

Deux hommes parurent. Habillés en cosmonaute, l’un étudiant en biologie, l’autre en médecine, ils faisaient partie des volontaires dans les services de l’hôpital. Le couloir de la solidarité était exalté et le chemin de la peur asphalté. 

Quand on ne connaît personne personne ne vous connaît et de novices de bonne volonté les voilà ‘upgradés’ combattants de l’adversité. On fait quoi ? Aller dans la 113… Ils y vont, ben y’a quelqu’un qui dort ? On fait quoi ? Ben vous mettez une double housse et vous descendez dans la réserve. C’est le nom pour l’endroit quand la morgue est pleine. Et après vous désinfectez à fond, on vous montrera.

Quand on n’a jamais vu de morts, de vrais morts, même en cours d’anatomie, ce n’est pas évident. Le long bruit de la fermeture éclair du sac en plastique rappelle la toile de tente des camps scouts. Il est terrible le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain, il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l’étudiant qui chie dans son froc.

Pas évident de soulever et de tasser dans cette foutue housse. On a l’impression qu’il vous regarde le monsieur. L’infirmière s’excuse, je croyais que vous aviez l’habitude. Ce sera plus facile demain. C’était oui, il y a un an, le 11 avril 2020. zzzzzziiiiiiiiiiiippppppp…

2021-04-11 23h13 ap

Vélo mode d’emploi

Vélo mode d’emploi

AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 10 avril 2021 (suite de la chronique sur le confinement, tome 3)

Vous auriez un guide des pistes cyclables à Strasbourg ? Oh vous savez ce n’est pas cela qui manque… Par exemple vers l’Orangerie le tour du parc. Si vous voulez vous promener allez vers le pont des Deux Rives c’est très agréable vers le Rhin… Oui ça reste dans les 10 km.

Moi, si vous voulez avoir des frissons, roulez avenue des Vosges et ensuite avenue de la Forêt-Noire, avec les camions trouille garantie ! Ça ne va pas, vous voulez qu’elle se suicide la dame ? Le vélo à Strasbourg c’est encore plus dangereux que le Covid ! Vous ne pouvez pas dire cela, cela n’a rien à voir. N’empêche que des suicides en ce moment il y en a plus. 

Il y en a toujours eu. J’avais une voisine elle a mis sa tête dans la cuisinière, il y avait encore le gaz à l’époque… Oui, le four à gaz c’est ce qu’il y avait de mieux pour le gâteau de santé. G’sundheitkuehe ! Eh bien, avant d’ouvrir le gaz, elle avait fait tout son ménage, la vaisselle, elle avait bien plié son linge, tout était propre… C’était vraiment une alsacienne.

Les hommes ils se suicident autrement, un coup de fusil sous le menton… Ou alors il se pendent. Les femmes c’est plutôt les médicaments ou alors se jeter dans le vide ? Ou en voiture seule sur l’autoroute en fermant les yeux ? Mais si elle se rate, elle est handicapée toute sa vie.

2021-04-10 10h13 ap.

Feu rouge

Feu rouge

AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 9 avril 2021

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Le feu était au rouge. La voiture dans la file à côté fit comme si c’était le moment de démarrer, un petit bond en avant. Elle mit donc machinalement la première et s’engagea. Un camion à l’autre feu accélérait pour passer avant que son feu ne passe à l’orange. La voiture de la file d’à côté s’était déjà arrêtée. Mais elle, elle était déjà bien engagée. Tuée sur le coup.

Le chauffeur du 38 tonnes ne comprenait pas pourquoi elle avait démarré au rouge. L’autre conducteur qui avait cru faire une blague s’enfuit. Les caméras de surveillance ont permis de reconstituer son petit jeu. Il avait essayé d’attirer l’attention de la jeune fille, petit dragueur va…

Le coronavirus est un petit peu comme cela, un mélange de hasards, de circonstances, de manque d’attention, de pas de chance, de ternes salopards arachnéens.

2021-04-09 15h13 ap

(suite de la chronique sur le confinement rue Geiler à Strasbourg…)

10 km

10 km

AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 8 avril 2021

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À son enterrement on a dit c’était un taiseux. J’avais neuf ans et je me suis dit que je serai un parleur. La maison était petite, il y avait la chambre des grands-parents, où Mémée resterait seule, celle des parents et celle des enfants, on était quatre, côté filles côté garçons avec un rideau au milieu.

Il avait fait la guerre, il avait été gazé, il avait une jambe plus courte que l’autre avec un éclat d’obus dedans. Il fumait la pipe et tous les jours il coupait les légumes pour la soupe, on admirait les parfaits petits cubes d’un demi-centimètre. «Ça sent bon la soupe de grand-père» avec une goutte de Maggi. Lui une bonne goutte de rouge quand Mémée détournait les yeux.

Les 10 km du confinement d’aujourd’hui cela a été toute notre enfance. Grand-père était graniteur, polisseur de pierre avant la guerre. Et puis aussi tailleur de pierre, sculpteur et quand il le fallait fossoyeur. On disait qu’il passait sa vie avec les morts même si parfois il était avec les vivants quand il réparait les calvaires au bord des chemins. C’est dans les cimetières qu’on lui donnait du travail. Il y avait beaucoup de grès rose mais c’est le granit noir qu’il préférait. À la carrière il donnait les dimensions pour la scie hydraulique et ensuite il faisait tout tout seul, avec ses échafaudages en bois et ses cordes inusables. Pendant la guerre il avait aussi été pontonnier. Dans le grès il sculptait des anges. Il a sculpté pendant plus de deux ans une Sainte de trois mètres à côté d’une vierge Marie et on a reconnu le visage de la sœur de maman Sainte Madeleine. Parfois quelqu’un passait à la maison pour des commandes avant la Toussaint. Parfois aussi le Souvenir français, pour un transfert de corps, il fallait une belle pierre avec le prénom, le nom, le grade et les années de naissance et de mort.

Grand-père avait fait la guerre à cheval dans les Uhlans, au début, puis comme Todeschreiber parce qu’il avait une belle écriture. Il avait même une médaille qu’il ne montrait jamais, mais qu’il gardait en mémoire des autres qui étaient ‘tombés’. Papa avait dit un jour, il était prof d’Histoire, que des morts à Verdun, il y en avait eu plus d’allemands que de français. 

Grand-père partait toujours tôt le matin avec sa sacoche de cuir, très lourde; il mettait la table pour le petit déjeuner des enfants avant qu’on ne parte à l’école. C’est papa qui nous réveillait quand grand-père avait fermé doucement la porte, il criait « debout les Maures », plus tard il nous a expliqué que les morts c’étaient les arabes dans le Cid de Corneille. Le soir Mémée demandait alors tu étais où aujourd’hui et il disait vous verrez dimanche.

Parce que les 10 km, c’était cela. Pas plus loin que 10 km de la maison sinon il ne prenait pas le travail, trop loin. Et donc le dimanche à pied ou à vélo, nous allions en promenade après le repas. Où est-ce qu’on va ? Surprise, disait grand-père avec son gros accent, il parlait mal le français. Et on partait sur les chemins (à bicyclette, bien avant la chanson d’Yves Montand). Les filles sur le porte-bagages des parents et les deux garçons qui faisaient la course. Et on arrivait. À chaque fois, Mémée, qui descendait du vélo dans les montées et qu’il fallait toujours attendre, disait ça c’est un beau cimetière, j’irais bien ici. Elle avait un cancer mais à l’époque personne ne prononçait ce mot de malheur, on disait une longue et pénible maladie supportée avec un grand courage mon dieu miséricordieux.

On entrait dans le cimetière, on avait le droit de courir, et il fallait trouver où c’était. Et on voyait une tombe fraîche, un monument où la pierre n’avait pas encore de mousse, un marbre brillant comme celui dans la cour des pompes funèbres. Ensuite on pique-niquait le quatre heures sur place, la route ça creuse, grand-père coupait les tranches de pain avec son gros canif (il m’avait dit quand je serai mort, il sera pour toi, et je l’ai toujours, et je le donnerai à ma fille). Il lui manquait un doigt, pas parti pendant la guerre, mais un accident quand le rémouleur ambulant passait dans le village (on l’appelait Peau-de-lapin) et qu’il affûtait les outils de la sacoche. Grand-père tenait son burin sur la meule, l’autre vieux avait fait un faux mouvement, le doigt s’était infecté et il avait fallu le couper, on disait amputé. Mémée disait qu’il en avait connu d’autres, des bouts coupés, et pas que des doigts, elle le disait en alsacien mais on comprenait quand même.

Les enfants ensuite faisaient du calcul mental. On se promenait entre les tombes et il fallait calculer l’âge du défunt en faisant des soustractions. Parfois c’était facile, parfois quand la naissance était dans les années 1880 c’était plus difficile car il fallait sauter la centaine. On calcule dans la tête sans les doigts disait papa. Et quand c’était un enfant, on disait une prière. Maman chuchotait en regardant une tombe, elle, je l’ai connue avant la guerre. Nous on savait que c’était l’autre guerre, 39-45, où elle avait tellement souffert même de faim, mais on n’en parlait pas sauf quand on ne terminait pas notre assiette.

Aujourd’hui je ne sais plus si grand-père était fier de ses œuvres. Il sculptait sur place, même quand il pleuvait, pour être seul. Il aimait beaucoup Mémée, ils s’étaient mariés après la guerre, mais il aimait surtout être seul. De la Deuxième guerre, ce qu’il avait fait, réfugié au Dorat tout en bas de la France, il n’en parlait jamais. Parfois il sculptait le bois, tard le soir, un cheval à bascule avec des cagettes d’orange, une médaille avec un grand «1» en rouge sur fond blanc pour mon bon bulletin en 11e, ou une toupie pour la petite sœur, la dernière, la chouchou.

On a très peu de photos, mais elles sont toutes très belles. Et aucune photo dans un cimetière à moins de 10 km de la maison.

2021-04-08 20h13 ap

Allo, AZ ?

Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle

Allo, AZ ?

AFP – Ambroise-Fiction-Presse. Le Chat du 28 rêve d’une orgie perpétuelle. 7 avril 2021

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C’est un annuaire téléphonique, les pages blanches Bas-Rhin, daté novembre 2018 – 2019. L’ultime à avoir été imprimé sur papier. Appeler le premier et le dernier numéro de l’ordre alphabétique de la Ville de Strasbourg. Des noms sur 3 colonnes, du bas de la page 624 au milieu de la page 851, avec à peu près 138 numéros par colonne soit 414 noms par page. À Strasbourg 93 978 téléphones dans l’annuaire, ça fait beaucoup. Presque un acrostiche où l’alpha et l’oméga défilent pour raconter une histoire. 

Les annuaires imprimés apparaîtront comme l’une des rares traces miséricordieuses permettant à nos lointains enfants, quand ils seront grands et bienveillants, de se souvenir de nous. Si Patrick Modiano habitait Strasbourg, il se glisserait page 774 tout en haut de la colonne du milieu entre Modestou et Modica. Dans Dora Bruder l’écrivain part à la quête d’une jeune fille de 15 ans, 1m55, visage ovale, chaussure sport marron. Il retrouve des photos, des documents administratifs et un annuaire téléphonique pour reconstituer un puzzle dont on n’est pas certain que toutes les pièces existent. Il a obtenu le Prix Nobel de littérature pour cet art de la mémoire avec lequel il évoque les destinées humaines les plus insaisissables. Page 791 de l’annuaire pythonisse il y a exactement 39 Perrin. Le jour où les annuaires électroniques ‘buggueront’, que les serveurs brûleront, qu’un satellite infecté effacera nos historiques et que nos disques durs supprimeront toutes les photos de nos empreintes sur terre, nos vies virtuelles se déconnecteront, nous n’existerons plus. 

En attendant nous mourrons du Covid. Après le ça recommence du 28 octobre au 24 novembre 2020 qui faisait suite au ça commence du 17 mars au 11 mai 2020, voilà, troisième confinement, et ça repart, à partir du lundi 5 avril 2021. Couvre-feu à 19h, interdiction de s’éloigner à plus de 10 km de chez soi et attente tragiquement folklorique pour pouvoir se faire vacciner.

Rien n’est comme avant. L’avant de maintenant c’était il y a un an, quel anniversaire. On restait bloqué à la maison, on se signait soi-même des attestations pour s’autoriser à aller chercher à manger, on applaudissait à 20h les soignants. Les journaux racontaient la mort, à l’hôpital et dans les EHPADs. Des cercueils privés d’adieux attendaient l’incinération stockés dans les entrepôts réfrigérés de Rungis. Aujourd’hui on a oublié cet abasourdissement. On s’adapte comme on peut et surtout on en a marre.

Le chat du 28 prend le soleil racontait au jour le jour les petits riens anecdotiques entre la clinique de l’orangerie et la queue devant la boulangerie. Le chat du 28 veut pas mourir s’est enfoncé dans l’intraitable mélancolie, les angoisses traîtresses, les désespoirs embrigadés et la jubilation de la déchéance. Encore une suite, donc : raconter des histoires.

Au soleil il attendait que cela se passe. Ensuite il s’appliqua à ne pas mourir. Maintenant le chat du 28 affirme, comme Flaubert épuisé par cinq années de rédaction de Madame Bovary, comme Vargas Llosa réfléchissant à l’art d’être écrivain, que « le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l’Art cause une longue ivresse et il est inépuisable. C’est de penser à soi qui rend malheureux » écrivit Gustave à Mademoiselle Leroyer de Chantepie le 4 septembre 1858. Le Chat du 28 rêve d’une Orgie perpétuelle. J’appelle.

AA Majxxx : ce numéro ne peut être obtenu, vérifiez…

AACHxxx Mohaxxx : nos bureaux sont fermés, laissez un message…

AACHxxx Nawxxx : pas de réponse…

AADMxxx Drifxxx : allo ? une voix très sympathique ; – bonsoir Madame… j’écris une histoire sur Strasbourg et le Covid… -excusez-moi je ne comprends pas excusez-moi… – vous êtes au tout début de l’annuaire alors… – excusez-moi… – vous parlez … ? – non, non moi je parle arabe… – un peu le français aussi ? – oui mais je ne suis pas malade, mon mari et moi on ne sort pas, on reste à la maison, pas sortir, excusez-moi… mais bien-sûr, merci madame, au revoir… – au revoir…

J’essaye le numéro suivant ?

AADMxxx AHMxxx : allô c’est pour une commande ? – Non, je m’appelle… Et j’écris… Si vous avez deux ou trois minutes… – Mais bien sûr ! – Vous avez un restaurant ? Oui, le Sushi Aos ! Vous êtes peut-être japonais ? Il rigole, le courant passe bien, Aos c’est House. – On fait le maximum pour respecter. À l’intérieur pas possible. Alors on fait des livraisons. J’apprends que les commandes commencent à 20 € et que depuis le Covid les bons pourboires ne sont plus liés au quartier. Ça dépend vraiment des gens. Cet hiver j’ai pu rentrer en Martinique, mon frère y est resté, maintenant beaucoup de gens y sont malades, ce sont des vacanciers qui ont amené le virus.

Je passe à Z

ZYExxx Basxxx : répondeur…

ZYBOWxxxxx Katarzxxxxx : allo ? … vous êtes à la fin de l’annuaire… raconter une histoire… 

oui jouer avec le hasard… – avec plaisir, mais je dois coucher les enfants… – bien, alors je peux vous dire dobranoc ? – ah , ah ? dobranoc … c’est très intéressant votre histoire, vous écrivez des livres ? – oui, déjà sur la princesse de Wissembourg, Maria Leszczynska…  – oui la Reine de France, Louis XV, mais je dois coucher les enfants… 

2021-04-07 21h13 ap

Strasbourg, première ville de France « fleurie sans carbone »

AFP Ambroise-Fiction-Presse, 1er avril 2021

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Strasbourg, première ville de France « fleurie sans carbone »

« Elles sont plus vraies que nature, et elles répondent parfaitement à nos préoccupations environnementales » : la maire écologiste de Strasbourg, Jeanne Barseghian, annoncera ce jeudi 1er avril que désormais les fleurs artificielles remplaceront les fleurs coupées à toutes les occasions officielles dans l’Eurométropole. Qu’elles soient en plastique (biologique), en soie, en batiste, en velours ou en lin, et même séchée enduite de cire, les fleurs factices sont parfaitement réalistes et ne présentent que des avantages. Fini le gaspillage des grands bouquets pour une petite heure de cérémonie, les vases qui se renversent sur l’ordinateur, les allergies au pollen, les odeurs fétides après une semaine d’oubli. Les fleurs artificielles ont des coloris immuables et se rangent dans une armoire. La gerbe au monument pourra resservir l’année suivante.   

Les ensembles fleuris des ponts, des places et des ronds-points seront également remplacés progressivement par des plantes factices. Les géraniums, symbole flamboyant du patrimoine strasbourgeois, garderont leur rouge éclatant aux fenêtres à colombage toute l’année. Cette campagne s’inscrit dans la lutte globale écologiste pour la réduction des émissions de carbone, en supprimant les camions de plantation au printemps et d’arrosage l’été. Les réserves d’eau seront ainsi mieux protégées. La municipalité entend ainsi devenir la première ville de France « fleurie sans carbone » et incite la population à faire les mêmes choix, notamment lors de la Fête des mères. Pour les anniversaires, un service de prêt de bouquets artificiels soucieux de l’environnement sera en place dans les mairies de quartier, tenu par d’anciens fleuristes dans le cadre d’un programme de reconversion.

2021-04-01 00h13 ap

‘Le Chat du 28 veut pas mourir’ à la librairie Kléber-Strasbourg, lien internet

https://fb.me/e/3sCQvGdTE

Une présentation suivie par les spectateurs (aujourd’hui internautes) fidèles des débats des Rencontres en librairie.

https://fb.me/e/3sCQvGdTE

Duo insolite, le curé Dominique Moog et Ambroise Perrin l’auteur du livre, pour répondre à la question du Covid « on veut pas mourir »: quelle est la nature de notre peur ? … la littérature un chemin vers l’éternité?

…à revoir sur le site Facebook -même sans être inscrit Facebook- de la salle blanche Kléber.

Le livre disponible : https://editionsbourgblanc.com/produit/le-chat-du-28-veut-pas-mourir/

Bon visionnage et bonne lecture !

https://editionsbourgblanc.com/produit/le-chat-du-28-veut-pas-mourir/ « Le Chat du 28 veut pas mourir , journal d’un reconfiné, 28 octobre – 24 novembre 2020 »

 bonne lecture :
https://editionsbourgblanc.com/produit/le-chat-du-28-veut-pas-mourir/
apologie de la déchéance (pas seulement littéraire), le livre vient d’être mis en place dans (presque) toutes les bonnes librairies; couverture et dessins de Liza Reichenbach.

Lecture épuisante et passionnante de cette chronique sombre et littéraire du reconfinement, un roman rédigé depuis le balcon des applaudissements du premier confinement. L’auteur Ambroise Perrin a pris une attestation de déplacement dérogatoire pour visiter les auteurs des ports de l’angoisse, on croise des gens ordinaires qui se complaisent dans une lâcheté dépressive et meurtrière. Il y aurait une seule jubilation, celle de tuer l’espoir qui empoisonne la déchéance. On se vautre dans cette déchéance au fil des journées du Chat du 28 rue Geiler à Strasbourg. Bonne idée aussi, en deuxième partie du livre, une chronique photos du confinement, fenêtre sur cour, et les textes du blog commencé le 17 mars 2020, observations insolites qui comme le Covid, ne laissent aucune indication de quand elles s’arrêteront. A lire ! Vous adorerez détester ce livre !


Préface

 Le Chat du 28 veut pas mourir 

Poison

Préface

Poison

La suite ? L’auteur de ces lignes pourrait finir dépressif ou meurtrier, mais ce n’est pas si simple. La suite de « Le Chat du 28 prend le Soleil » s’intitule donc « Le Chat du 28 veut pas mourir ». Le prolongement du confinement « Covid-19 » c’est cette 2ème vague, le reconfinement avec cette intraitable mélancolie qui s’empare de nous au souvenir des temps heureux. Oui pas si simple de convoquer les écrivains que l’on copie, sans autorisation dérogatoire, pour reprendre une chronique de confiné, journal du 17 mars au 11 mai et maintenant du 28 octobre au 24 novembre, 2020. 

Quelle année ! Cette mort qui nous hante, nos défunts que l’on voit reposer au creux de la tombe, les insouciances qui sont peut-être criminelles et plus personne au balcon à 20h. Des personnages obscurs ont pris le pouvoir de dicter une brillante vie quotidienne à notre lâcheté. On se console en mijotant notre civisme, l’étendard sanguinolent de notre conscience. Et on fait dorer des bredele dans un four pas trop chaud, nous sommes juste avant Noël, à fêter en faisant de bonnes barrières. 

Que faire ? Questions brûlantes… Reprendre les traits affectueux et ironiques en observant ses voisins n’aurait pas répondu à la lassitude du « ça recommence », avec l’incompréhension anémiée des obligations, une démobilisation flapie et un repli sur soi filou. La peur est devenue apodictique et le vaccin anacréontique. Sortie autorisée dans les dicos, et dans la presse à échos, le président et le poison de la division, la zone grise entre la bêtise et la mort, la police qui tape et le récit qui seul peut terrasser un récit, les complots, l’espérance aléatoire, la détresse effarante des étudiants, la vitale apologie du blasphème, les mortelles barricades pour les livres, les contrôles diffus et la pagaille incontrôlée, les loups dans la steppe de la pauvreté, le désespoir sur le rocher, la tragédie de l’enlisement, l’état d’urgence éméché, le bout du tunnel, le mort qui avait peur de la mort, nous plongeons dans le rouge écarlate des falaises de marbre, si vous voulez qu’on sauve votre mari, Madame, arrêtez de pleurer.

Qu’écrire ? La vie est belle. La science nous sauve. On vit une époque formidable. Les jolies filles de passage que l’on ne reverra plus. Les délires de la fête et le bon vin. La tarte au fromage rue Geiler. 

La résignation ? C’est devenu une forme de l’art. L’armée des ombres va envahir, multicolore, les boutiques des franchisés qui crient famine, et bien dansez maintenant même si les remontes pentes restent fermés. Quand on passe sa vie à trahir, tout ce qui éloigne l’angoisse semble juste et bon. Amen. Ou alors s’appliquer, dans une dernière jubilation, à tuer l’espoir qui empoisonne la déchéance.

Ambroise Perrin

Le 3 mars 2021 

15 € + 6,50€ frais de port http://www.editionsbourgblanc.com virement bancaire, Paypal, carte crédit, chèque, bisous, boulangerie et fleuriste rue Geiler, ou en main propre à Strasbourg avant le couvre-feu.

Il est là !

« Le Chat du 28 veut pas mourir » se faufile hors de l’imprimerie, parution ce 8 février 2021; commande via editionsbourgblanc@gmail.com, 15 €, et on se rencontre masqué, ou + 6,50 frais de port (oui, la Poste…) par virement bancaire, IBAN http://www.editionsbourgblanc.com ou chèque envoyé à Editions Bourg Blanc, 25 rue de Rosheim 67300 Schiltigheim, en précisant votre adresse postale, super ! 256 pages.

Poison

La suite ? L’auteur de ces lignes pourrait finir dépressif ou meurtrier, mais ce n’est pas si simple. La suite de « Le Chat du 28 prend le Soleil » s’intitule donc « Le Chat du 28 veut pas mourir ». Le prolongement du confinement «Covid-19» c’est cette 2ème vague, le reconfinement avec cette intraitable mélancolie qui s’empare de nous au souvenir des temps heureux. Peut-être que dans un siècle l’on dira « 2020 une année formidable, ils ont sacrifié l’économie mondiale pour sauver leurs vieux ! ». Mais en 2021 pas si simple de convoquer les écrivains que l’on copie sans autorisation dérogatoire pour reprendre une chronique de confiné, journal du 17 mars au 11 mai et maintenant du 28 octobre au 24 novembre, 2020. 

Début 2021 ! Quelle année 2020 ! Cette mort qui nous hante, nos défunts que l’on voit reposer au creux de la tombe, les insouciances qui sont peut-être criminelles et plus personne au balcon à 20h. Des personnages obscurs ont pris le pouvoir de dicter une brillante vie quotidienne à notre lâcheté. On se console en mijotant notre civisme, l’étendard sanguinolent de notre conscience. Et on fait dorer des bredele dans un four pas trop chaud, nous sommes juste avant Noël, à fêter en faisant de bonnes barrières. 

Que faire ? Questions brûlantes… Reprendre les traits affectueux et ironiques en observant ses voisins n’aurait pas répondu à la lassitude du « ça recommence », avec l’incompréhension anémiée des obligations, une démobilisation flapie et un repli sur soi filou. La peur est devenue apodictique et le vaccin anacréontique. Sortie autorisée dans les dicos, et dans la presse à échos, le président et le poison de la division, la zone grise entre la bêtise et la mort, la police qui tape et le récit qui seul peut terrasser un récit, les complots, l’espérance aléatoire, la détresse effarante des étudiants, la vitale apologie du blasphème, les mortelles barricades pour les livres, les contrôles diffus et la pagaille incontrôlée, les loups dans la steppe de la pauvreté, le désespoir sur le rocher, la tragédie de l’enlisement, l’état d’urgence éméché, le bout du tunnel, le mort qui avait peur de la mort, nous plongeons dans le rouge écarlate des falaises de marbre, si vous voulez qu’on sauve votre mari, Madame, arrêtez de pleurer.

Qu’écrire ? La vie est belle. La science nous sauve. On vit une époque formidable. Les jolies filles de passage que l’on ne reverra plus. Les délires de la fête et le bon vin. La tarte au fromage rue Geiler. 

La résignation ? C’est devenu une forme de l’art. L’armée des ombres va envahir, multicolore, les boutiques des franchisés qui crient famine, et bien dansez maintenant même si les remontes pentes restent fermés. Quand on passe sa vie à trahir, tout ce qui éloigne l’angoisse semble juste et bon. Amen. Ou alors s’appliquer, dans une dernière jubilation, à tuer l’espoir qui empoisonne la déchéance. Ambroise Perrin

Un très beau volume, magnifiquement imprimé et modestement génial, 15€; mémoire du reconfinement, non pas un livre sur l’exaspération mais un livre sur la lassitude. Hésitez à l’acheter maintenant, soyez goguenard dans 10 ans en le relisant et incrédule dans 50 ans (ou vos petits enfants) en ne croyant pas qu’en 2020 la Terre s’arrêta de tourner et que tout ce qui éloignait l’angoisse semblait juste et bon. « On se vautrait dans l’idée que le Covid pouvait nous faire mourir, comme le chat du quartier, celui du 28 rue Geiler, et on s’appliquait dans une dernière jubilation à tuer l’espoir qui empoisonnait cette délicieuse déchéance. Nous survivions et nous aimions cette lâcheté ». Le Président a salué 60 millions de procureurs, le livre reconnaît 60 millions de comédiens et martyrs. On se reverra ? Ambroise Perrin. editionsbourgblanc@gmail.com

Le livre: Le Chat du 28 veut pas mourir – Ambroise Perrin

Bonjour! C’est l’histoire du reconfinement, qui semblait moins contraignant qu’au mois de mars et qui fut plus sombre; ces 28 journées étranges et désabusées, où la mort devint familière et les souvenirs cruels. Des chroniques où l’on passait son temps à attendre; elles forment un nouveau volume, « Le Chat du 28 veut pas mourir », après « Le Chat du 28 prend le Soleil ». Le livre sera disponible au tout début de janvier 2021, un tirage réservé, que l’on peut donc réserver sans s’engager en envoyant simplement un e-mail à editionsbourgblanc@gmail.com… Comme on dit, on se tiendra au courant pour tout, l’épaisseur et la sortie du livre, le vaccin, la fin de la pandémie. « Mais sans cesse ignorants de nos propres besoins / Nous demandons au Ciel ce qu’il nous faut le moins ». L’Art poétique à la rescousse du Covid? La science au secours de la déprime ? Quelques observations dans d’effarentes et silencieuses détresses. With love chantait John Lennon il y a déjà plus de 40 ans, from me to you… Ambroise Perrin

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L’allocution des souvenirs en fleurs, Journal d’un reconfiné (28, fin) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/24/du-vernis-pour-cercueil-journal-dun-reconfine-27-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, mardi 24 novembre 2020

Voilà, nous y sommes mardi 24 novembre 20 heures, en direct de la salle de crise de l’Élysée, le déconfinement du reconfinement, par étapes avec d’autres dates… nous savions bien que la situation ne permettrait pas de dire que tout redevenait comme avant.

Le président a échaudé l’avenir serein qu’aucun des «chers compatriotes» n’osait échafauder. Mais il n’a parlé que de cela, «oui j’ai donné beaucoup de détails», sans résignation ni colère. Notre capacité d’innovation, la science, la bienveillance, tenir, vaincre.

Cette triste étape du Covid, attendue et pourtant bien singulière, prend fin. Une sourde résignation, une lassitude, l’envie de passer à autre chose, comme pour ces épisodes parfois sombres qui vont laisser « Le Chat du 28 » vaquer ailleurs.

Cette triste fatigue dans le regard présidentiel, protecteur et pourtant bien désabusé, prend fin. Une étrange et moucharde allusion à ceux qui ont un sens des responsabilités inégal, et l’envie de passer à autre chose, comme oui, bien sûr à la recherche du temps perdu.

Prenez votre plume ouvrez vos cahiers c’est l’heure de la dictée. C’est un texte magnifique, si vous faites des fautes, ne vous en faites pas, nous ferons ensemble le corrigé. Oui c’est un texte de souvenirs comme tous les compatriotes aimeraient en écrire. Oui mes enfants (c’est le prof qui parle), vous aussi vous pouvez écrire des histoires et de la poésie, et penser que votre texte vous le lirez à la télé et qu’un jour il sera une dictée. Pourquoi le président n’a-t-il pas pris un peu de son temps d’allocution pour parler des souvenirs, de raconter les émois du passé, par exemple au bord de la mer le tout jeune homme au passage de jolies jeunes filles se fait la promesse de les revoir. D’habitude, elles ne reparaissent pas; le Président nous dit que d’ailleurs la mémoire oublie vite leur existence. Que nos yeux ne les reconnaîtraient peut-être pas. Et déjà passent de nouvelles jeunes filles que l’on ne reverra pas non plus. 

Depuis le 17 mars dirait le président, depuis neuf mois nous avons construit une autre façon de voir le monde, ce fut l’annonciation, maintenant une naissance. A ce moment-là ses yeux perdraient leur voile d’ahan car le hasard ramène avec insistance ces souvenirs devant nous. Ils nous paraissent alors beaux, car nous discernons en eux, comme un commencement d’organisation, d’effort, pour composer notre vie. Notre mémoire, mes chers compatriotes, nous rend facile, inévitable et quelquefois cruelle la fidélité des images à la possession desquelles nous nous croirons plus tard avoir été prédestinés… 

Le président marque une pause… il va dire Vive la République, Vive la France, les Français pensent à leurs souvenirs, ceux que nous aurions pu, tout au début, oublier, comme tant d’autres, si aisément. Sur le selfie sourit le petit chat du 28 qui ne veut pas mourir.

Au revoir, à bientôt, Ambroise Perrin

Du vernis pour cercueil, Journal d’un reconfiné (27) –ambroise perrin

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Ambroise Perrin, lundi 23 novembre 2020

Les Alsaciens sont des saumons qui remontent le Rhin malgré les barrages, pour frayer dans les marécages de leurs origines. Quand nous sommes confinés, nous sommes en pause. Pause à la maison entre deux sorties en déplacement dérogatoire, pause entre deux réunions en zoom, pause entre deux allocutions qui vont chiffrer notre probabilité d’être contaminés. Parfois il faut profiter d’une pause pour se faire entendre. Entre confinement et reconfinement nous sommes sur ce mode pause. Ce temps qui ne s’écoule pas est pourtant un monde de stupeur avec pour horizon violence et nihilisme. Les pauses sont-elles des temps vides ? Les artistes s’appliquent dans la composition de leurs œuvres à y inscrire ces vides, où il ne se passe rien, où il n’y a rien à voir.

Etre à la maison à attendre. Ce temps entre deux temps invite à remonter le temps. Enfant à l’école, la récré, la pause entre deux classes. Dans le village, la fête, le messti, deux jours de délire, flonflons, bière et stand de tir, la pause dans la vie raisonnable de toute une morne année. Il y avait un mauvais sylvaner, le Totabàuimpolitür, littéralement du vernis pour cercueil, qui aidait à tromper l’attente.

Les Alsaciens remontent le fleuve de leurs histoires pour suspendre le temps des malheurs, ils ont appris à patienter. Comme les saumons du Rhin, ils passeront. Le bon moment viendra.

Le Pâtre sur le rocher, Journal d’un reconfiné (26) –ambroise perrin

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Ambroise Perrin, dimanche 22 novembre 2020

Nous devinons les échos qui monteront des profondeurs dans deux jours, de la voix forte du chef de l’État. Les ministres dans la vallée se chargent des ballons d’essais: ce n’est pas vraiment la fin du reconfinement. Modalités bon train, morosité sans fin. Noël pour horizon on connaît la chanson, les râleurs au diapason, des promesses à foison et pour les libertés une oraison. Ce qu’il dira c’est ce qu’il sera. Martial, pédagogique, condescendant, compréhensif, autoritaire. Exprimera-t-il cette mélancolie et ce désespoir, composition sombre et romantique de variations sur des lieder, président miroir du chef maudit aimé des siens, cherchant perpétuellement un bonheur inaccessible ?

Lieder, Schubert. Berger solitaire juché sur le sommet du pouvoir, notoriété perdue au lointain, alors que toujours «nous sommes en guerre», il lui faudra partager ce désespoir tragique avec tant de «chers concitoyens» dans leur prudent et mesuré isolement. Les yeux plongés dans la vallée je chante et s’élève des sombres ravines un noir chagrin qui me consume… tout espoir m’a quitté… je suis seul. Il faut maintenant s’apprêter à partir. Mardi nous aurons d’autres chiffres exemplaires, des réponses indécises aux boutiquiers, des solidarités essentielles et convenues. Et le leitmotiv du vaccin, l’âme de nos ténèbres sentimentaux, qu’un Français sur deux refuserait de se faire injecter. Est-il l’heure d’une causerie magnifique au lyrisme délicat exprimant la profondeur des sentiments d’un chef de l’état qui transcenderait ses propres émotions et s’approprierait les douleurs les plus enfuies de ceux qui légitimement lui font confiance ? Il y a des rendez-vous parfois manqués et des conférences qui se noircissent comme les prémonitions de funestes abandons.

Cette mélancolie serait un de ces discours qui plonge dans la science du malheur, de celui qui croit toujours aller vers l’autre mais ne va jamais qu’à côté, lignes mélodiques simultanées, punctus contra punctum, intervention à 20 heures, coda sans artifice d’un legato à grande écoute, pour dire simplement la sincérité.

It’s a Wonderful Life, Journal d’un reconfiné (25) –ambroise perrin

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Ambroise Perrin, samedi 21 novembre 2020

Formidable ! Arthur le boulanger propose la tarte au fromage en double portion rue Geiler ! Voilà pour sa voisine qui trouve que tout est si sombre… 

Alfred l’accordéoniste joue à distance au marché et Hans et Irmgard les marchands des quatre saisons offrent une fleur à chaque cliente, monsieur Klein met des guirlandes aux vitrines de sa boucherie, à côté Elodie la vendeuse de journaux propose de savoureux gâteaux de Noël fait maison, Valérie cuisine des recettes à la table de Flaubert dans le supplément Femina des DNA, Isabelle annonce que les vendanges tardives seront les meilleurs du siècle en Alsace, Rachid de Streeteo dit qu’on a de la chance sa machine est bloquée pour les PV du samedi matin, Marie-Hélène la cartomancienne horoscopeuse devine à deux jours près la sortie du confinement, Marie promène son petit chien noir ébouriffé en souriant, Marcel (Proust) trône place Saint-Maurice en vitrine du bibliobus, Laïlaï s’est fait vacciner en 10 minutes contre la grippe, Alain a retrouvé le vélo (électrique) qu’on lui avait volé, Jeanne annonce que les transports en commun sont gratuits en ville (c’est une blague), Simone m’a envoyé la recette du Baeckeoffe au saumon sauvage et André celle du ragoût de sanglier à la nage, Arsène m’assène que les écrivains sont des voleurs, un compliment de gentleman empereur, et Marie-Thérèse qui gère là-haut le soleil illumine les balcons de la cour et des jardins toujours en fleurs!

Merci Frank, la Vie est Belle ! 

L’arme de la science, Journal d’un reconfiné (24) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/20/fiat-lux-et-facta-est-lux-journal-dun-reconfine-23-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, vendredi 20 novembre 2020

Ça y est, ça redescend ! Les chiffres nous disent tout ! Alors on fait «fuiter» quelques éléments de bonnes nouvelles, qui sollicite notre foi et nos capacités à l’optimisme, avant une déclaration solennelle annoncée et avancée de quelques jours, probablement prudemment radieuse, celle du président. La rigueur de la science ne rivalise pas avec les mouvements de grogne. Larmes irrévérencieuses. Le recul du Covid, le nombre d’hospitalisés, la réouverture des magasins, la faillite des artisans, nous allons les affronter avec l’arme du «scientifique». Au moment de reconfiner, c’était «difficile», il fallait souligner la gravité, graphiques colorés en main et prendre ses responsabilités, réalité chiffrée en tête. «Je crois» est un acte personnel, «Nous croyons» est une démarche communautaire. Le Credo de la politique qui s’adresse démocratiquement à tous, c’est donc l’avis des scientifiques.

Existe-t-il une hiérarchie fiable chez les scientifiques, le top du top de ceux qui savent vraiment, et sur qui les politiques peuvent s’appuyer pour prendre une décision ? Tel chef de service des maladies infectieuses devenu star de la télé, une éclosion rentabilisée par les 100 000 exemplaires bien vendus de son essai, se retrouve fanfaron sur la sellette de l’ordre des médecins. Tel autre, chercheur pressé de donner une date pour la découverte d’un remède miracle, harcelé de questions contradictoires, lâche exaspéré qu’il y a certainement 60 millions de spécialistes en France, allez leur demander.

Éloignons-nous du virus avec un exemple de travail scientifique des plus singulier, la recherche atomique. Le projet «Manhattan» avait à sa tête Robert Oppenheimer, Hiroshima et Nagasaki, exploit technique et responsabilité morale. Dans un célèbre discours en novembre 1945 le physicien évoque la responsabilité des scientifiques dans leurs relations avec les citoyens, c’est ce qui nous concerne aujourd’hui : «nous ne sommes pas que des scientifiques, nous sommes aussi des hommes». Dépendre de ses semblables dit-il c’est le lien le plus fort du monde. Le dilemme de ce théoricien intellectuel et cultivé ce fut de poursuivre la recherche scientifique tout en tenant compte des exigences pratiques. Trouver un vaccin au Covid sauvera le monde comme la bombe H l’a détruit. Ah, Reiser, on vit une période formidable!

Fiat lux et facta est lux, Journal d’un reconfiné (23) –ambroise perrin

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Ambroise Perrin, jeudi 19 novembre 2020

En guise de dernier soupir il souffla mehr Licht, davantage de lumière. Et Goethe s’éteignit. Certains exégèses traversant la place du café Brant pour saluer la statue du poète amoureux de la fille du pasteur de Sessenheim estiment que ce fut mehr nicht, il y en a marre, ça suffit maintenant. Lumière du jour derrière les rideaux ou lumière de l’éternité au paradis des écrivains, on peut choisir. Un doux et lumineux poème adressé à la tendre Frédérique qui de son attrait sans artifice, de sa sérénité prudente, de sa naïveté réfléchie et de sa spontanéité prévoyante enflammait l’imagination de Johann Wolfgang débute passionnément : Mon cœur a battu…

Terminaux soupirs dans les hôpitaux, les cœurs n’y battent plus et même si l’on observe un ralentissement de la croissance de la courbe de la seconde vague du coronavirus, les soignants sont loin de voir la lumière du bout du tunnel. Un tunnel mortifère et aveugle qui éclaire les articles de presse préférant poser la question puisque l’on est sans réponse : Covid-19, quand verra-t-on le bout du tunnel ?

Gros soupirs des gros marchands de l’Eurométropole strasbourgeoise qui veulent faire des chiffres ensoleillés à Noël et qui ont déjà vu la lumière : des illuminations flamboyantes autour de leurs commerces, avec sapin antimorosité et si notre mobilisation est entendue, vin chaud et bredele. Les clients raisonnables siroteront le jaja collant en respectant les distances sanitaires sous les guirlandes multicolores dont le clignotement éblouissant est l’ADN des clients alsaciens selon l’association des commerçants illuminateurs : nous vous proposerons mille lumières en un parcours scintillant pour des moments magiques. Sauf si Noël est reporté au printemps, ou peut être même après les élections régionales de juin : le petit Jésus en visioconférence le 14 juillet priant pour un virus envolé, des rois mages vaccinés, des contaminés rassurés. Et sous le feu d’artifice la crèche illuminée. 

Saleté de vingt ans, Journal d’un reconfiné (22) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/18/lesperance-dune-bonne-raclette-journal-dun-reconfine-21-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, mercredi 18 novembre 2020

C’est une détresse lue dans les journaux, dévastatrice et qui bouleverse, une solitude noyée dans le cliché des fêtards conspués, une péripétie de l’adversité qui nous rappelle que peut-être nous avons eu un jour 20 ans et que cela avait été le plus bel âge de la vie.

Quarante présidents d’université et des médecins directeurs de services de santé universitaires alertent sur les abîmes psychologiques de certains étudiants.  Une souffrance silencieuse dans l’isolement et la précarité avec une statistique effarante, chez les jeunes le suicide est la deuxième cause de mortalité. En France il y a un psychologue pour 29 882 étudiants (aux Etats-Unis un pour 1600). La crise du Covid-19 augmenterait de 30 % cette situation dramatique. «L’intégralité des enseignements de l’université bascule en distanciel» : pour ceux qui viennent d’arriver en fac, cela veut dire une piaule de 9 m², pas encore de réseaux d’amis, aucune possibilité de job d’étudiant et la honte mal assumée de se nourrir dans les cantines caritatives. Huit heures par jour de cours par ordinateur et autant de temps pour travailler et réviser devant son écran. Pas de confrontation pour acquérir une méthode, pas d’épaule solidaire pour élargir l’horizon. Certains très diplômés sont bloqués par l’absence de stages, presque toujours annulés du fait de la pandémie. En cité universitaire le Covid c’est 154% de plus de demandeurs d’aide par rapport à l’année dernière. Le reconfinement a été une dégringolade, notamment pour les étudiants étrangers sans famille pour les urgences. La précarité est extrême comme pour cette étudiante en Master 2 que hante l’image de la clocharde qui tend la main.

A l’hôpital les étudiants ne sont plus dans des rôles d’observateurs. L’épidémie a imposé un tempo qui pousse les soignants dans leurs limites physiques et mentales. Tous les gestes se succèdent sans relâche, les équipes se sentent en décalage avec le monde extérieur, les étudiants s’enfoncent dans ce tunnel, le mot stress est un euphémisme, à ce rythme on apprend vite. On craque aussi pour aller pleurer dans le placard à linge sale. Commencer sa carrière dans ce tourbillon épidémique est une grosse épreuve. Le Covid-19 peut tuer une vocation plus vite qu’un malade.

L’Espérance d’une bonne raclette, Journal d’un reconfiné (21) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/17/le-vaccin-aux-trousses-journal-dun-reconfine-20-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, mardi 17 novembre 2020

L’Espérance, ce n’est pas seulement le nom des tavernes collées aux églises ou une bière brassée à Schiltigheim, c’est le concept qui régit toute la communication sur la Covid-19. Portez-vous bien, parole d’évangile, ayez confiance en l’avenir, vous désirez le retour à la vie d’avant, vous pouvez compter sur nous, nous allons réaliser votre désir. Alors en attendant, aujourd’hui, information primordiale à la radio, il y a une ruée sur un produit de grande nécessité, la raclette. Objet de partage, la raclette unit la famille autour de la table, une communion fromagère pour sauver son âme du reconfinement. L’avenir est dans la paix des troupeaux de vaches laitières menés par le berger (y’a pas de cow-boy en Alsace). Soirée raclette respectant les règles sanitaires et rupture de stock dans les magasins d’alimentation ! La Suisse en produit pourtant 12 000 tonnes de ce fromage pour l’espérance de soirées conviviales.

Après cet intermède gastronomique (la Bible et les Evangiles en sont truffés, Simenon et San Antonio aussi, et Chabrol…) l’espérance en plein reconfinement c’est de renoncer au pire. Renoncer à l’idée que le pire est toujours certain. « N’ayez pas peur… » Cela ne va pas de soi d’avoir à chaque journée de pandémie une idée optimiste, « dès que c’est fini je pars à la mer » disait cette dame à la boulangerie (bien sûr elle achetait une part de tarte au fromage, la meilleure, rue Geiler, etc.) et j’ai trouvé malin de demander Méditerranée ou Océan Atlantique, son espérance c’était les deux ! 

Blaise Pascal a théorisé la notion d’espérance pour savoir comment répartir les mises dans les jeux de hasard. Christian Huygens a rédigé le premier Traité du hasard en 1656, l’espérance mathématique étant une « variable aléatoire réelle» dans la théorie des probabilités. Le coup de chance, c’est la gloire éternelle dans l’autre monde, on l’appelle la foi. Le coup de bol, à la roulette, c’est 1 case sur 37. L’espérance c’est de se dire que dans le monde on ne fait pas encore partie des 55 millions 333 374 infectés ni du 1 million 332 390 décédés de la Covid-19 (chiffres Santé publique France ce soir à 23h13).

Quand Flaubert (toujours lui) brouillonne sa première Tentation de saint Antoine il voit «cette belle espérance qui consiste à croire sans preuve, à adorer ce qu’on ignore et à attendre avec ferveur ce qu’on ne sait pas du tout ».

Le vaccin aux trousses, Journal d’un reconfiné (20) –ambroise perrin

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Ambroise Perrin, lundi 16 novembre 2020

Un vaccin ! Coup de théâtre ! Alors que la pandémie étend toujours des vagues de désespoirs, que les morts battent à nouveau des records et que les réanimés critiques sont transportés par avion dans les hôpitaux non saturés, alors que les ministres pataugent dans tout ce qui est gâché et que tout est saccagé, que les scientifiques s’entre-tuent mais que les coupables agonisent, voici l’aurore, un deuxième vaccin fiable à 94,5 %.

Comme lorsque le polar, le film ou la pièce de théâtre tirent en longueur, une péripétie sensationnelle bouscule le train-train du scénario et annonce la fin de l’histoire. Un ou deux vaccins vont nous sauver de la Covid-19. Dans une série B on dira que c’est trop gros et qu’on n’y croit pas. Aujourd’hui le vaccin est entré en scène comme le deus ex machina. Il descend des cintres, dieu de la tragédie grecque, parce que la situation est sans espoir. Terminée la logique dramatique du récit qui mène de l’hôpital à la morgue, le coup de théâtre permet de remonter sur les planches.

On appelle ce moment de dénouement inattendu « les cinq dernières minutes », même si elles sont inconcevables et démontrent la paresse des scénaristes. Bon Dieu ! Mais c’est… bien sûr ! Parfois le coup de théâtre prend le spectateur comme complice ou le malade comme cobaye, on jubile de voir Orgon sortir de sous la table et le Labo annoncer un milliard de doses.

Le coup de théâtre réussi garde les pieds dans le réel, la chloroquine de Didier Raoult et l’eau de Javel de Donald Trump relevant du navet. Alfred Hitchcock donnait volontiers sa recette du suspens, une combinaison d’angoisse, d’identification et d’insolite. Et pour que le film soit bon il fallait qu’à la fin, des acteurs meurent.

L’imagination en garde à vue, Journal d’un reconfiné (19) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/15/des-loups-dans-la-steppe-journal-dun-reconfine-18-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, dimanche 15 novembre 2020

L’imagination c’est parfois l’asthénie du désespoir. On imagine que tout est comme avant à plus de 300 dans un loft de 300 m² pour faire la fête jusqu’à ce que la police débarque et mette les organisateurs en garde à vue. On imagine pouvoir se rencontrer sans masques, danser, draguer, se moquer de la société. On imagine que l’on ne va pas transmettre le virus aux autres en rentrant chez soi. Quelle tristesse ! Alors que l’imagination c’est une puissance de création, c’est la puissance « reine ».

Reconfinés, sommes-nous complétement désenchantés ? Ah, l’imagination, made in mai 68… la jeunesse qui s’est enfermée hier à deux heures du matin pour une soirée clandestine imagine être créative en méprisant les règles sanitaires. Baignée dans les vagues monotones des smartphones, leur adolescence n’a pas eu le temps d’avoir de l’imagination, coincée dans le pragmatisme des lycées qui préparent à un métier. Les professeurs d’utopie ne sont plus au rendez-vous. Quand dans un souci de simple cohérence un prof partage les valeurs de l’Histoire et de la République, il risque sa tête. Parler de l’imagination, c’est chercher à cerner une faculté ambivalente nécessaire et dangereuse à la fois, c’est savoir suspendre son acquiescement à ce qui ne nous convainc pas entièrement.

Les consignes de reconfinement contre la pandémie Covid 19 ne sont pas prépondérantes ? A l’heure de toutes les théories de complot, Hold-up et compagnie, «la recherche de la vérité» est un argument, réfléchi ou non. Mais «celui qui court vite sur la mauvaise route arrive moins rapidement au but que celui qui boîte sur le bon chemin». Choisir de braver les consignes sanitaires, une question de morale ? La célèbre formule de Malebranche, « la morale démontrée et expliquée par principe est à la connaissance de l’homme ce qu’est la connaissance des lignes courbes à celle des lignes droites » ne rejette pas le pouvoir de l’imagination.

L’imagination joue un rôle important dans la constitution de la pensée rationnelle, explique le philosophe. Elle permet de distinguer l’obscur ou le faux, elle nous aide à être plus attentif. Alors comment comprendre que l’on prenne tant de risques de contagion? Quelle idée ? L’imagination, la mémoire et les habitudes sont liées par les règles de la répétition dont dépend un principe fondamental, celui de l’imitation. Pauvre dévoiement de l’imagination, vouloir être différents… comme les autres.

Des loups dans la steppe, Journal d’un reconfiné (18) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/13/mon-coeur-de-silex-journal-dun-reconfine-17-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, samedi 14 novembre 2020

Je vais vous dire, tout le monde triche. Les détenteurs de multiples attestations, une par poche, les malins décrocheurs de primes, dossiers simplifiés, les gros commerçants qui cartonnent, pick and collect, et tous ceux qui sont tenus pour des paragons de vertu. Mais il y a aussi tout ceux qui plongent dans la pauvreté et pour eux on a créé une drôle d’expression le « reste à vivre», (4 euros par jour et par personne quand « tout le reste» est payé).

Muni de notre attestation de déplacement dérogatoire, nous croisons beaucoup de gens. Comment reconnaître les tricheurs ou les pauvres ? Ont-ils chacune différente une nuance dans leur attitude, une hardiesse dans le regard ? Bien sûr ils ne sont pas dotés d’un signe qui indiquerait leur prépotence et qui résumerait l’inavouable fascination que nous éprouvons nous, êtres ordinaires, pour ceux qui hors normes, se fondent dans la masse. La pauvreté suscite la compassion, et la solidarité exprimée par la société est un appel sans discussion à notre naturelle générosité. Et les tricheurs ? Balançons l’idée de la délation. D’une certaine façon, leur différence inspire la crainte, parce qu’ils ont «inventé une histoire» comme s’ils s’identifiaient à Caïn, le fort qui a tué le faible.

Nous sommes tous égaux face aux injonctions du gouvernement et aux règles du confinement, mais lorsqu’un fort a pris le pas sur un faible et considère avoir fait un acte héroïque, nous les faibles sommes pleins de frayeur. Et pourquoi pas eux ? Parce qu’ils nous considèrent comme des lâches, des imbéciles ? L’attestation d’une heure ils en ont trois en poche. Et puis en cas de contrôle il leur suffit de dire que…

Comment admettre que Caïn est un être noble ? Et nous, Abel, on se sacrifierait pour lui ? Nous ne vivons pas dans un monde lumineux et pur, la Covid rode et la mort est au coin de la rue. Tricheurs ou respectueux, nous nous croisons, masqués certes, mais nous formons ensemble le peuple du deuxième confinement. Seuls nos yeux, aux étranges éclats au-dessus du tissu, expriment la sérénité, la crainte ou, peu honorable, une légère exaspération. Quels qu’en soient les mauvaises raisons, «trahir» le décret numéro 2020–1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a quelque chose de jubilatoire que nous ne pouvons partager. N’empêche que…

Nos histoires ont un goût de non-sens, de folie, de confusion et de rêves, comme la vie de tout homme qui ne veut plus se mentir. Dans la steppe, le loup. Tel n’est humain, écrivait Hermann Hess pour qui la morale pouvait être remplacée par l’esthétique, tel n’est humain que dans sa partie supérieure, et poisson en bas. Tous nous sortons du même sein, nous pouvons nous comprendre les uns les autres, mais personne n’est expliqué que par soi-même.

Mon cœur de silex, Journal d’un reconfiné (17) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/13/on-sen-fout-pas-journal-dun-reconfine-16-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, vendredi 13 novembre 2020

Comment te dire adieu en ce vendredi 13 faux jour de chance ? Sous aucun prétexte, et interdiction de passer du temps en zone Covid à l’hôpital pour lui tenir la main. Des funérailles avec personne au cimetière.

Le mort avait peur de la mort, de la douleur, il a laissé sa trace, celle d’un être fragile et faible. De lui on ne se souvient que de choses banales et absurdes. Avant de mourir il a encore exprimé sa haine pour ce qu’il va quitter, sa famille, son travail, la société, son insipide vie secrète.

Pourtant il aimerait bien s’accrocher, le Covid certains s’en sortent ; on lui dit qu’on va l’endormir pour le mettre en réanimation. Il aurait bien aimé écrire quelques lettres pour dire adieu.

On s’en fout pas, Journal d’un reconfiné (16) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/12/la-solitude-du-coupable-que-personne-ne-soupconne-journal-dun-reconfine-15-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, jeudi 12 novembre 2020

Il est 18 heures passés quand on sonne à la porte en plein « Castex». « Oui je sais me dit la voisine, mais cela ne m’intéresse plus ». Je jette un œil par la fenêtre, il y a du monde dehors. Je laisse la radio allumée. « Mais il faudra bien savoir quels sont les nouvelles mesures ? On s’en fout, on connaît la réponse c’est toujours ça dépend… en tout cas il ne faut pas oublier l’attestation ils font des contrôles en ville ! La CTS fait la police, bientôt c’est les gendarmes qui vont conduire le tram. On n’est plus que des pions ». Même à l’intérieur de l’appartement on a l’impression d’être dehors et ce n’est pas seulement le télétravail qui a supprimé la notion de havre protecteur du domaine privé. Il y a cette ambiance de contrôle diffus et de pagaille incontrôlée, et des petites phrases qui ne sont pas anodines, comme « le masque même chez-soi ».

Le premier ministre a commencé par présenter ses condoléances, puis c’est une litanie de chiffres sur un ton très assuré, professoral. Il serait irresponsable… On attend 18 minutes pour entendre l’attendu 15 jours de plus. Puis les ministres défilent en se défilant, comme à la fête de fin d’année au lycée pendant la distribution des prix. Dans l’ordre la santé, l’éducation, l’emploi, l’économie. Rien pour la culture même pas un accessit. On s’en fout. Et puis encore ce pitoyable et maladroit aveu: l’ennemi ce n’est pas l’Etat c’est le virus. 

Elles n’ont même plus la niaque pour l’ouvrir, ni la démangeaison de la ramener, ni l’espoir de la solidarité applaudissante du mois de mars : les infirmières–renfort-réanimatrices du Covid à qui on avait promis une prime de 1500 euros et qui ne l’ont pas perçue se sont trouvé un nom, les dé-primes : «on s’en fout du fric mais pas du manque de reconnaissance… l’impression d’être des Kleenex ». La déprime. Elles ne rempileront peut-être pas malgré la violence de la deuxième vague. « C’est pas vrai mais on va dire qu’on s’en fout ».

La solitude du coupable que personne ne soupçonne, Journal d’un reconfiné (15) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/11/ils-demandent-le-chef-journal-dun-reconfine-14-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, mercredi 11 novembre 2020

Quand le prof fait une faute au tableau c’est pour voir si nous sommes attentifs. Quand Emmanuel Macron fait deux fautes d’orthographe chez De Gaulle, c’est qu’il est ému (et ça le rend sympathiquement humain). Quand l’ambassadeur de France à Washington offre trois bouteilles d’eau de Javel à Donald Trump, il fait de la publicité pour les produits français (source : AFP, Ambroise Fiction Presse). Quand à Strasbourg des financiers du Qatar ferment le Printemps, le magasin fait la Une des DNA et les propriétaires de l’émirat offrent à chacun des 200 salariés licenciés un abonnement à Charlie Hebdo (même source). Quand l’Obs de ce jour publie que John Lennon a été l’amant de David Bowie, on se dit qu’on aime tous les deux. Quand l’empereur Mutsuhito ouvre le Japon à la modernité occidentale et invite le major-général prussien Meckel à inculquer l’esprit de soumission et d’obéissance militaire à l’armée impériale, il offre quatre ginkgo biloba au Kaiser Guillaume 1erqui les plante à Strasbourg (c’était en 1880, l’année de la mort de Flaubert, et les arbres sont toujours là, magnifiques, place de la République). Quand la maison de retraite à Guebwiller se nomme Les Erables, on pense aux feuilles mortes et aux 32 résidents sur 83, positifs. 

Quand on veut échapper à son confinement et que l’on se sent condamné à la bassesse, on se dit que les seules limites sont celles où l’on se morfond. Quand on est seul face à la peur, on comprend que personne ne vous comprend. Quand on passe sa vie à trahir, tout ce qui éloigne l’angoisse semble juste et bon. Quand on vous prouve (dans les journaux, à la radio) que le virus rend anxieux, on fuit l’inquiétude morale, les scrupules et les remords et l’on s’attache à être veule devant l’effort et les conflits moraux. Quand on fait le test et que l’on sent sa chute irrémédiable, fermée à tout retour, on tue l’espoir qui empoisonne la déchéance. Se complaire dans sa lâcheté, toujours Alain Berthier croisé à nouveau pas par hasard, coupable.

Ils demandent le chef, Journal d’un reconfiné (14) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/10/murmures-des-murs-journal-dun-reconfine-13-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, mardi 10 novembre 2020

Nous ne sommes même plus blasés. La routine Covid régit nos journées. Si le mot n’avait un souvenir glorieux nous dirions que nous sommes une armée des ombres, résistante. On baisse la tête et le masque dans les queues au Carrefour City, chez la marchande de journaux, sur le trottoir de la boulangerie (oui la tarte au fromage rue Geiler !).

Et pourtant ce n’est pas pareil, ce nouveau confinement, ça grouille de monde dans la rue, il y a toujours des voitures et des PVs partout et les sourires complices et apeurés ont disparu. Les informations disparates soulignent la confusion et nous côtoyons de plus en plus de malades et de morts dans nos entourages. Nous avons du mal à nous enthousiasmer à l’annonce d’un prochain vaccin. On se demande qui commande dans ce bazar.

Ils demandent le chef, je me nomme, ils se rendent. Le combat cessera-t-il faute de combattants ? Nous sommes prévenus, cela ne sera pas terminé à Noël. Alors les chefs que l’on n’attend pas se nomment. Par exemple le patron du Medef affirme organiser les jauges de clients pour garder les boutiques ouvertes. C’est lui qui décide ou bien les parlementaires ceints de la légitimité démocratique et de la responsabilité déléguée ? Caïd ou le Cid ? Nous accepterions quelques morts (ou Maures) de plus pour sauver les cadeaux ?

Mais sans cesse ignorants de nos propres besoins / Nous demandons au ciel ce qu’il nous faut le moins… Les deux alexandrins de Boileau sont à souffler au ministre de la santé que l’on n’écoute plus sans ressentir de la pitié.