Ambroise Perrin
Les mamans bavardaient dans ce que l’on appelait la cour arrière, une plaque de béton à la sortie de l’escalier des caves après avoir traversé la buanderie. De l’autre côté de cet espace, c’était le garage à vélos. Quand tout le monde a eu une machine à laver, une vraie, pas celle avec juste les deux rouleaux en caoutchouc beige clair pour essorer le linge, la buanderie ne servait plus avec ses grands bacs en béton. Alors, je l’ai transformée en labo photo en montant des panneaux d’aggloméré de récupération pour faire le noir complet et en prenant l’électricité pour l’agrandisseur et la lampe rouge inactinique sur l’ampoule du plafond.
Les cordes à linge étaient tendues sur de petits poteaux en béton dans le jardin, après les carrés de potager et devant les deux rangées de vignes de madame Lembach, la première à avoir habité dans le bloc. Il n’y avait pas de nom, mais chacune savait quelles étaient ses cordes, enfin, à peu près, « mais je vous en prie, allez-y, je n’ai pas grand-chose à pendre aujourd’hui ». La championne, c’était madame Loewenguth et ses neuf enfants. Maman était la seule des six appartements qui travaillait, enfin, qui n’était pas seulement mère au foyer. Et souvent, on demandait de l’aide à Papa pour remplir des papiers administratifs.
Quand il faisait très chaud, il y avait des sauterelles et des hannetons dans les corbeilles à linge. On raconte même qu’un jour, quand les mamans avaient fini de bavarder, le linge était déjà sec et elles ont pu remonter avec.