Tissu est dans iode, Journal d’un reconfiné (08) –ambroise perrin

https://afp-ambroise-fiction-presse.com/2020/11/04/la-resignation-forme-de-lart-journal-dun-reconfine-07-ambroise-perrin/

Ambroise Perrin, mercredi 4 novembre 2020

Pour résister aux virus, tous, médecins et malades, tous, citoyens propagateurs potentiels de l’horreur, tous pourraient faire le serment de ne déposer les armes que lorsqu’à nouveau l’on pourra se promener partout sans risque, s’embrasser sur la bouche et manger avec les doigts et sans masque.

« Tissu est dans iode », c’est la magnifique phrase codée de la division blindée du lieutenant-colonel Rouvillois pour annoncer la libération de Strasbourg le 23 novembre 1944. Quand allons-nous être libéré de la Covid-19 , et aussi, autre association d’idée pas trop incongrue, être libéré du bouffon Donald Trump, puisqu’à cette heure le suspense se poursuit aux Etats-Unis ? Une phrase au destin devenu légendaire a marqué notre entrée dans la crainte du coronavirus, « nous sommes en guerre». Quelle phrase accompagnera notre sortie ?

Tant de phrases sont à l’image des éphéméroptères, ces insectes qui ne vivent que quelques heures, après avoir déposé leurs œufs sur des eaux marécageuses aux flux aussi imprévisibles que les canaux des réseaux sociaux. À suivre de près, journaux papier, radio, la dantesque question du confinement ne mobilise qu’un pauvre vocabulaire, de tristes clichés qu’un ton martial ne rend guère poétiques. Le serment de Koufra était lyrique ; la tragédie, le cauchemar que nous vivons en cette fin 2020 peut se nourrir sans indécence de la prosodie.

Les ailes des éphéméroptères sont transparentes, finement nervurées et rigides, et les imaginer peuplant les deux rives du Rhin provoque l’exaltation de l’explorateur qui sommeille en nous et qui apprend que leurs larves ont une longévité de parfois 10 ans et que leur vie a la brièveté des quelques instants nécessaires pour se reproduire. Les sentences qui se répètent et qui règlent désormais nos vies de confinés à déplacement dérogatoire ne cherchent pas à enjoliver la formule technocratique. À l’Assemblée nationale hier soir, un texte certes dénué d’aimables phrases sur l’état d’urgence sanitaire devait être voté, les députés de la majorité ont séché, peut-être pour prendre le temps de lire chez eux de la poésie… Tissu est dans iode.

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